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Ma pratique de la photographie est nourrie de ma formation initiale en histoire de l'art. Elle se situe à la croisée de mes influences : la peinture et le cinéma. Elle doit à la première d'être une image fixe dans laquelle le temps est du côté du regardeur : c'est lui qui donne le rythme et compose le récit. Elle doit au second d'être une image produite par le regard, la médiation du cadre et l'engagement du corps dans le réel.
Mes photographies abordent la notion de la présence au monde. Peut-être est-ce même la possibilité de cette présence qui est en question ?
Dans mes séries à caractère autobiographique, je me mets en scène, principalement dans la nature. Ces images montrent un corps incertain : présence souvent incongrue, à la frontière du jeu et de la lutte avec ce qui l’entoure (Le Rouge et le Noir ; L’équilibriste). Parfois ce sont les contours du corps lui-même qui semblent s’effacer pour se fondre dans le paysage (L’autre rive).
De ce questionnement sur la présence corporelle découle un travail autour de l’imagerie médicale en tant que trace fantôme d’une dimension inconnue de la chair. Avec les Portraits Radiographiques, j’expérimente une approche qui formalise un aller-retour des mots aux images, en invitant les participants à prendre la parole au sujet d’une de leur radiographie. J’aime déplacer ces clichés de leur vocation scientifique initiale et les amener vers une sphère plus intime par le biais du langage.
Dans mes recherches en cours, je me penche sur la présence du visage en photographiant les passagers du tramway. Je m’intéresse notamment à la manière dont les visages sont affectés par ce qu’ils voient, qu’il s’agisse d’images extérieures (les événements qui les entourent) ou intérieures (leurs pensées ou leurs souvenirs). Je travaille à constituer un corpus de photographies dans lequel le récit est évacué au profit de la trace qu’il laisse sur chaque visage : les histoires (visibles et invisibles) se déroulent hors-champ. Le visage conserve son énigme.
Le temps d'apparaître, autoportrait, Musée du temps, Besançon, 2022
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